La France instaure une taxe de 2€ sur les petits colis : ce qui va changer dès 2026
L’Assemblée nationale vient de voter une nouvelle taxe qui pourrait modifier en profondeur les flux du e-commerce transfrontalier. Dans la nuit du 19 au 20 novembre, les députés ont approuvé la création d’une redevance de 2 euros sur les colis importés d’une valeur inférieure à 150 euros, dès lors qu’ils proviennent d’un pays hors Union européenne.
Une mesure qui cible directement les envois issus de plateformes comme Shein, Temu ou certaines marketplaces basées en Chine, dont les volumes ont explosé ces dernières années.
Pourquoi cette taxe de 2€ a été votée par l’Assemblée nationale
Un vote marqué par des débats tendus
La taxe a été adoptée avec 208 voix pour et 87 contre, illustrant des positions politiques très distinctes.
Le gouvernement et une large partie de la majorité ont défendu une redevance destinée à renforcer les contrôles douaniers, alors que seulement 0,125% des colis entrants ont été vérifiés l’année dernière, selon les chiffres cités dans l’hémicycle.
À l’inverse, le Rassemblement national a dénoncé une taxe pesant sur la consommation populaire, tandis que La France insoumise s’inquiétait d’un impact direct sur les ménages si la mesure était appliquée au colis plutôt qu’aux plateformes.
Pour obtenir une majorité, le gouvernement a déposé un amendement clé :
la taxe sera collectée via le circuit de la TVA, alimenté directement par les plateformes, et non par les consommateurs finaux.
C’est ce compromis qui a permis à une partie de la gauche de soutenir la mesure.
Quels colis seront concernés ?
La redevance s’appliquera aux envois d’une valeur inférieure à 150€, pour tout colis provenant d’un pays situé en dehors de l’Union européenne.
Ce seuil correspond aujourd’hui à la frontière entre les envois soumis ou non aux droits de douane. L’objectif de l’exécutif est double :
- cibler les flux massifs de colis à bas prix, souvent expédiés individuellement depuis la Chine ;
- financer les contrôles destinés à vérifier la conformité des produits.
Des plateformes comme Shein et Temu sont particulièrement visées, puisqu’elles reposent sur des modèles d’expédition directe depuis l’Asie vers les consommateurs européens.
Une réponse à l’explosion des colis extra-européens
Les chiffres présentés par les députés et le gouvernement donnent une idée de l’ampleur du phénomène :
- 775 millions d’articles auraient été introduits en France en 2024 via ces petits envois ;
- 6,5 milliards de colis chinois pourraient arriver en Europe l’an prochain, selon le rapporteur général du Budget ;
- dans les produits contrôlés, 80% seraient dangereux ou très dangereux, selon Amélie de Montchalin.
Ces données expliquent la volonté affichée par le gouvernement de renforcer la surveillance. Les contrôles actuels, quasi impossibles à généraliser sans financement, soulèvent un enjeu de sécurité produit mais aussi de concurrence économique.
Une taxe destinée à moderniser le contrôle douanier
Le gouvernement estime que cette redevance rapportera environ 500 millions d’euros, intégralement destinés à financer les douanes :
- achat de scanners pour inspecter les colis ;
- recrutement de douaniers supplémentaires ;
- amélioration des processus de vérification.
L’idée est de passer d’un système d’autocontrôle partiel, où la majorité des colis échappent à toute validation, à un dispositif capable de filtrer davantage d’envois.
Ces fonds permettront également à la France de s’aligner sur les évolutions européennes : la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg appliqueront la même redevance dès le 1er janvier 2026, avant une généralisation prévue dans le reste de l’UE en novembre 2026.
Un contexte européen où la fiscalité du e-commerce se renforce
La mesure française intervient alors que l’Union européenne a voté la suppression de l’exonération douanière sous 150€, applicable début 2026. Jusqu’ici, les colis importés d’une valeur inférieure à ce seuil échappaient à tout droit de douane, créant un déséquilibre en faveur des plateformes étrangères.
Avec la disparition de cette franchise, chaque colis importé hors UE sera soumis :
- à la TVA,
- aux droits de douane,
- et potentiellement à une redevance de traitement dans certains pays.
La taxe française de 2€ s’inscrit donc dans un mouvement plus large visant à rééquilibrer la concurrence entre vendeurs locaux et acteurs extra-européens.
Quels impacts pour le e-commerce français et européen ?
1. Pour les plateformes comme Shein et Temu
La taxe ajoute un coût fixe par colis, dans un modèle où les prix bas sont l’argument principal.
Ces plateformes devront choisir entre :
- absorber la redevance dans leurs marges,
- ou l’intégrer dans le prix final payé par les consommateurs.
Combinée à la fin de l’exonération douanière, cette mesure pourrait réduire l’écart de prix avec les vendeurs européens.
2. Pour les retailers et marques établis en Europe
Les acteurs français et européens y voient une avancée pour rétablir des conditions de concurrence plus équitables, notamment face aux volumes massifs de produits importés hors UE.
Les enseignes locales qui importent en gros paient déjà des droits dès le premier euro, contrairement aux envois unitaires depuis l’Asie.
3. Pour les consommateurs français
Avec le choix de collecter la taxe via la TVA, les plateformes devraient supporter la redevance plutôt que les acheteurs.
Cependant, les consommateurs pourraient constater :
- une augmentation du prix de certains articles importés ;
- une plus grande transparence sur les coûts liés aux envois étrangers ;
- une amélioration de la sécurité produit grâce aux contrôles renforcés.
4. Pour les logisticiens et les douanes
La redevance financera des investissements nécessaires pour gérer des volumes mai maîtrisables.
À court terme, les transporteurs devront ajuster :
- leurs systèmes d’information ;
- leurs capacités de traitement ;
- leurs processus de déclaration douanière.
À moyen terme, le renforcement européen des outils numériques (notamment le futur EU Customs Data Hub) devrait simplifier la gestion de ces flux.
Une mesure qui rebat les cartes du e-commerce transfrontalier
La taxe de 2€ n’est pas seulement un levier fiscal : c’est un signal politique envoyé aux plateformes extra-européennes et aux consommateurs.
En cumulant :
- redevance sur les petits colis,
- fin de l’exonération douanière sous 150€,
- et renforcement des contrôles,
La France et plusieurs États européens cherchent à redéfinir les règles du jeu dans un marché où l’explosion des imports à bas prix bouscule les équilibres.