Taxe sur les petits colis : Le Sénat relève à 5€ contre l’avis du gouvernement
Le 1er décembre 2025, le Sénat a adopté un amendement qui porte de 2 à 5 euros la taxe sur les envois de faible valeur, c’est-à-dire les colis de moins de 150€ provenant de pays hors Union européenne. Une décision votée à une large majorité, contre l’avis du gouvernement, mais dans la continuité directe d’un objectif affiché depuis plusieurs mois : endiguer l’explosion des flux de petits colis en provenance d’Asie et rétablir un équilibre pour les commerçants français et européens.
En bref :
- Le Sénat a voté le 1er décembre 2025 un amendement portant la taxe sur les petits colis extra-européens de 2€ à 5€ dans le cadre du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2026.
- Cette décision n’est pas finale : le texte doit encore passer par une Commission mixte paritaire ou une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
- Près de 800 millions de colis de moins de 150€ sont entrés en France en 2024, en grande partie via des plateformes comme Shein, Temu et AliExpress.
- La taxe serait payée par les plateformes, et non par les consommateurs, et viserait à financer le renforcement des contrôles douaniers.
- Pour les e-commerçants français : plus de contrôles, moins de concurrence déloyale… mais un impact potentiel sur les équilibres logistiques et tarifaires.
Taxe sur les petits colis : ce que le Sénat vient réellement de décider
Le 1er décembre 2025, dans le cadre de l’examen du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2026, le Sénat a adopté un amendement portant de 2€ à 5€ le montant de la future taxe sur les envois de faible valeur, c’est-à-dire les colis de moins de 150€ en provenance de pays hors Union européenne.
Ce relèvement, porté notamment par Anne-Marie Nédélec, Franck Menonville et Olivier Rietmann, s’inscrit dans la continuité du rapport sénatorial « Fabriqué en France : une urgence patriotique » qui pointait l’impact massif des petits colis sur l’économie française, et en particulier sur le commerce de détail et la filière textile.
Attention toutefois : ce vote constitue une étape décisive, mais pas l’adoption définitive de la mesure. Le texte doit désormais être discuté en Commission mixte paritaire (CMP) ou repasser en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Le montant de 5€ devra donc encore être confirmé dans la version finale de la loi de finances.
Shein, Temu et la fast fashion dans le viseur du Sénat
La progression des flux de colis concernés donne la mesure de l’enjeu. Le nombre d’articles importés en France sous déclaration simplifiée et exemptés de TVA est passé de 170 millions en 2022 à 775 millions en 2024, soit une hausse de 356% en deux ans.
Cette explosion est directement liée au modèle logistique de plateformes de fast fashion et de marketplaces comme Shein, Temu ou AliExpress, qui reposent sur l’envoi direct de produits unitaires depuis la Chine vers le consommateur final.
Avec près de 800 millions de colis extra-européens de petite valeur entrés en France en 2024, les capacités des douanes sont mises à rude épreuve. À ce stade, seuls 0,125% des colis ont été effectivement contrôlés l’an dernier, selon les chiffres déjà cités dans les débats à l’Assemblée nationale.
Dans cette logique, les sénateurs estiment que 2€ par colis ne suffisent pas pour financer un dispositif de contrôle à la hauteur des flux.
5€ par colis : un signal fort pour rééquilibrer la concurrence
D’après la commission des finances, le produit initial de la taxe à 2€, environ 500 à 600 millions d’euros – était jugé insuffisant. Avec un montant porté à 5€, le rendement serait compris entre 700 et 800 millions d’euros, selon les estimations de Bercy.
Ce budget serait dédié à :
- l’achat de nouveaux scanners pour inspecter les colis,
- le recrutement d’agents supplémentaires pour la DGCCRF et les douanes,
- le renforcement des contrôles de conformité (normes, sécurité, contrefaçon).
Pour Olivier Rietmann, cette taxe doit permettre de financer la protection de la sécurité des consommateurs, tout en rétablissant une concurrence plus équitable face aux acteurs extra-européens qui bénéficient aujourd’hui de coûts logistiques et fiscaux très faibles.
Un autre point important pour les e-commerçants : la taxe serait due par les plateformes et non par le consommateur final, en passant par le même circuit que la TVA. Le Sénat souhaite éviter autant que possible una impact direct visible sur le panier des ménages – même si, dans les faits, une répercussion tarifaire reste possible.
Les colis en provenance des Pays et territoires d’outre-mer (PTOM) seraient, eux, exclus du dispositif.
E-commerçants français : un enjeu de marge et de survie économique
Pour les retailers hexagonaux, la problématique est avant tout économique : plus de colis pour le même chiffre d’affaires = danger pour la marge.
Les plateformes asiatiques fonctionnent sur :
- des prix ultra-compressés,
- des volumes massifs,
- une optimisation fiscale et douanière qui désavantage les circuits européens.
Les commerçants et e-commerçants français, qui importent en gros ou produisent localement, paient déjà des droits, la TVA, et respectent les normes européennes. En comparaison, le modèle du “petit colis direct” crée une distorsion majeure.
En augmentant le coût d’entrée de chaque article sur le territoire, la taxe cherche à réduire l’avantage compétitif artificiel de ces plateformes. Si elle est définitivement adoptée, elle pourrait :
- ralentir les micro-commandes à très faible valeur,
- inciter à la consolidation des envois,
- rééquilibrer progressivement la perception de prix entre acteurs européens et extra-européens.
Une mesure nationale qui s’inscrit dans un mouvement européen
Le débat dépasse le cadre français. Un accord a déjà été trouvé au niveau européen pour mettre en place une taxe de 2€ à l’échelle de l’UE à partir du 1er novembre 2026. La France et les pays du Benelux ont fait le choix d’agir plus tôt, dès janvier 2026.
Le gouvernement, par la voix d’Amélie de Montchalin, reste prudent sur le seuil des 5€, estimant qu’au-delà de 2€, la mesure pourrait être assimilée à un droit de douane, et potentiellement contestée juridiquement.
C’est précisément ce point qui sera au cœur des prochaines discussions parlementaires.
Ce qu’il faut surveiller maintenant
Pour les e-commerçants, retailers et webmarketers, les prochaines semaines seront stratégiques :
- Issue de la Commission mixte paritaire
- Version finale du PLF 2026 adoptée par le Parlement
- Modalités pratiques de collecte auprès des plateformes
- Calendrier précis d’entrée en vigueur