Sécurité des jouets : Avec 60% de produits dangereux, la DGCCRF met en cause le modèle des marketplaces
Le constat est inquiétant. À moins d’une semaine de Noël, la DGCCRF a publié, le 19 décembre 2025, les résultats de son enquête annuelle sur la sécurité des jouets. Et les chiffres donnent le ton : 90% des jouets contrôlés sur les marketplaces sont non conformes, et plus de 60% sont jugés dangereux pour la santé des enfants.
Au-delà de l’alerte sanitaire, ce rapport s’inscrit dans une séquence politique et économique beaucoup plus large. Il fait directement écho au débat en cours sur la Taxe Petits Colis, censée mieux encadrer l’afflux de produits à bas prix importés d’Asie. Même combat, même cible : un modèle de plateformes ouvertes, fondé sur des volumes massifs, des vendeurs tiers difficilement contrôlables et une pression permanente sur les prix.
Marketplaces : une défaillance profonde de la conformité
Pour son enquête 2025, la DGCCRF a ciblé cinq grandes plateformes de e-commerce, dont quatre étrangères, représentant chacune entre 7 et 22 millions de visiteurs mensuels uniques. Les contrôles ont porté sur 70 références de jouets, achetées anonymement afin de refléter l’expérience réelle des consommateurs.
Les résultats sont sans appel :
- 90% des jouets analysés présentent au moins une non-conformité,
- plus de 60% sont à la fois non conformes et dangereux.
Peluches, déguisements, jouets à piles, peintures au doigt, pâtes à modeler : aucune catégorie n’est épargnée. Pour la DGCCRF, il ne s’agit pas d’anomalies isolées, mais d’un phénomène récurrent déjà observé lors des enquêtes précédentes, notamment sur les produits à bas prix importés directement d’Asie.
Le contraste avec les circuits traditionnels est frappant. Parmi près de 2 000 professionnels contrôlés (fabricants, importateurs, magasins spécialisés, grande distribution, sites e-commerce de marques), seuls 8% présentent des manquements graves. Un écart qui alimente clairement le discours des pouvoirs publics sur la responsabilité spécifique des marketplaces.
Des risques concrets, parfois graves, pour les enfants
Les non-conformités relevées ne se limitent pas à des défauts administratifs. Si l’absence de mentions obligatoires (âge recommandé, nom du fabricant, notices incomplètes) est fréquente, les principaux motifs de dangerosité concernent des risques physiques immédiats.
Parmi les dangers identifiés par les laboratoires de la DGCCRF :
- accès trop facile aux piles, avec un risque d’ingestion potentiellement mortel,
- présence de petits éléments détachables, exposant à des risques d’étouffement,
- cordelettes sur les déguisements, pouvant entraîner un étranglement,
- LED trop puissantes, susceptibles de provoquer des lésions oculaires,
- jouets acoustiques dépassant les seuils sonores autorisés,
- substances chimiques allergisantes ou toxiques, notamment des phtalates au-delà des seuils légaux.
Conséquence directe : plus de 185 000 jouets dangereux ont été détruits en France en 2024, tous canaux confondus. Un volume qui illustre l’ampleur de la tâche pour les autorités de contrôle.
Le lien direct avec la Taxe Petits Colis
Cette enquête ne peut pas être lue isolément. Elle intervient alors que le débat sur la Taxe Petits Colis agite le secteur du e-commerce. L’objectif affiché de cette taxe est double : rééquilibrer la concurrence avec les acteurs européens et financer des contrôles renforcés, notamment douaniers et sanitaires.
Le constat de la DGCCRF vient renforcer cet argumentaire. Les jouets les plus problématiques sont précisément ceux :
- vendus à très bas prix,
- importés directement depuis des pays tiers,
- écoulés via des marketplaces ouvertes,
- et expédiés sous forme de petits colis échappant partiellement aux contrôles traditionnels.
Autrement dit, le problème n’est pas seulement fiscal ou concurrentiel. Il est aussi sanitaire. La multiplication des flux de petits colis rend les contrôles plus complexes, plus coûteux, et mécaniquement moins efficaces. Pour le gouvernement, la Taxe Petits Colis apparaît de plus en plus comme un outil de régulation, et non comme une simple mesure budgétaire.
« Ce n’est pas l’exception, c’est le modèle »
Le ton employé par les pouvoirs publics est inhabituellement dur. Serge Papin, ministre chargé du Commerce, parle sans détour d’un modèle économique fondé sur l’absence de contrôle. Selon lui, la vente de produits dangereux sur les marketplaces n’est pas accidentelle, mais découle d’un système où la responsabilité est diluée entre la plateforme et les vendeurs tiers.
Cette position s’inscrit dans un durcissement assumé de la régulation. En 2025, les contrôles de la DGCCRF ont été multipliés par trois, et 30 plateformes, dont 16 étrangères, font désormais l’objet d’une surveillance renforcée dans le cadre du plan e-commerce lancé en avril.
À l’échelle européenne, la dynamique est la même. Les règles adoptées par le Parlement européen fin novembre prévoient :
- l’élargissement de la liste des substances interdites dans les jouets, incluant notamment les PFAS,
- un renforcement de l’analyse des risques, y compris sur la santé mentale des enfants,
- la mise en place d’un passeport numérique obligatoire pour tous les jouets, afin d’améliorer la traçabilité et l’information consommateur.
