Shein épinglé par la Commission européenne : les raisons de la mise en demeure

Shein épinglé par la Commission européenne : les raisons de la mise en demeure

Le 26 mai 2025, la Commission européenne et le réseau CPC (Consumer Protection Cooperation) ont notifié à Shein une série de manquements graves aux règles de protection des consommateurs. L’enseigne, populaire pour ses prix cassés et son modèle ultra-rapide, est désormais sommée de se mettre en conformité avec le droit européen. Une mise en garde formelle qui illustre la montée en puissance des régulateurs face aux dérives de certaines plateformes transfrontalières.

Une enquête conjointe à l’échelle européenne

Cette action découle d’une enquête coordonnée entre la Commission européenne et les autorités nationales de quatre pays membres : la Belgique, la France, l’Irlande et les Pays-Bas. Ces derniers ont travaillé sous l’égide du réseau CPC, composé des autorités de protection des consommateurs des 27 États membres, ainsi que de la Norvège et de l’Islande.

L’objectif : protéger les consommateurs européens en imposant une vigilance accrue sur les marketplaces et sites e-commerce opérant sur le continent, y compris ceux établis hors UE, comme Shein.

Des pratiques commerciales contraires au droit européen

Le rapport d’enquête met en lumière six infractions principales observées sur la plateforme de Shein :

  1. Faux rabais
    La plateforme afficherait des réductions trompeuses en se basant sur des prix de référence qui ne reflètent pas les véritables prix antérieurs. Une méthode contraire à la directive européenne sur l’indication des prix.
  2. Techniques de vente agressives
    Shein exercerait une pression indue sur les consommateurs en jouant sur l’urgence, notamment via des décomptes ou messages incitatifs (ex. : « plus que 2 articles en stock ! ») pour pousser à l’achat sans réflexion.
  3. Informations lacunaires sur les droits des consommateurs
    Les indications sur le droit de rétractation, les modalités de retour ou les remboursements seraient incomplètes, voire erronées. Les retours ne seraient pas toujours traités selon les règles prévues par les directives européennes.
  4. Étiquetage abusif
    Certains produits sont mis en avant comme possédant des caractéristiques « exceptionnelles » alors qu’il s’agit de simples exigences légales. Exemple : mentionner comme un avantage la présence d’un marquage CE ou le respect de normes de sécurité de base.
  5. Écoblanchiment (greenwashing)
    Shein ferait usage de déclarations environnementales non fondées ou exagérées sur ses produits, ce qui pourrait induire les consommateurs en erreur.
  6. Manque de transparence sur les contacts
    Les moyens pour contacter Shein, notamment en cas de litige ou de demande d’information, seraient trop difficilement accessibles, violant les obligations d’information claires imposées par le droit européen.

Des zones d’ombre encore à clarifier

Au-delà de ces manquements identifiés, le réseau CPC a également demandé des informations complémentaires à Shein concernant :

  • la présentation des avis clients, des classements et des notations de produits ;
  • la distinction entre vendeurs tiers et Shein en tant que revendeur ;
  • la portée des droits des consommateurs dans les cas où le vendeur n’est pas un professionnel (ex. : vendeur tiers étranger).

Ces éléments pourraient également faire l’objet d’enquêtes plus poussées si Shein ne fournit pas des réponses jugées satisfaisantes.

Une mise en demeure, avec un mois pour réagir

La plateforme chinoise dispose désormais d’un délai d’un mois pour répondre officiellement aux accusations et proposer des engagements correctifs concrets. Si aucune mesure n’est prise ou si la réponse est jugée insuffisante, les autorités nationales pourront engager des actions coercitives à l’échelle nationale, incluant la possibilité de sanctions financières, calculées sur la base du chiffre d’affaires généré dans les pays concernés.

Un contexte réglementaire de plus en plus exigeant

Cette procédure ne survient pas dans un vide réglementaire. Depuis le 26 avril 2024, Shein a été désignée comme VLOP (Very Large Online Platform) au titre du Digital Services Act (DSA), un statut qui l’assujettit à des obligations renforcées :

  • évaluation des risques systémiques (contenus illégaux, produits dangereux) ;
  • transparence sur les algorithmes de recommandation ;
  • modération des contenus ;
  • respect de la sécurité des utilisateurs et de la santé publique.

En parallèle, une enquête distincte est actuellement en cours par la Commission européenne dans le cadre du DSA, ciblant entre autres la présence de contenus ou produits illégaux sur la plateforme, mais aussi la fiabilité des systèmes de recommandation et l’impact sur le bien-être des utilisateurs.

Des autorités déterminées à faire respecter les règles

Les réactions politiques sont fermes. Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive en charge de la souveraineté technologique, souligne :

« Cette action conjointe prouve notre détermination à coordonner efficacement la réponse des autorités lorsque les plateformes ne respectent pas la loi. »

De son côté, Michael McGrath, commissaire à la protection des consommateurs, martèle :

« Les lois européennes de protection des consommateurs ne sont pas optionnelles. Nous n’hésiterons pas à faire respecter nos règles, peu importe la localisation des entreprises. »

Une pression accrue pour l’ensemble des marketplaces

Ce dossier illustre une tendance forte : l’Europe renforce sa capacité de contrôle sur les marketplaces, en particulier celles dont l’activité explose dans le secteur de la fast fashion ou du dropshipping transfrontalier.

Pour les e-commerçants, cette affaire sonne comme un rappel des bonnes pratiques à adopter en matière de transparence, d’information et de respect des droits des consommateurs. Les réglementations comme le DSA, le GPSR (General Product Safety Regulation) ou la Directive sur les pratiques commerciales déloyales ne cessent de gagner en importance, et leur application s’intensifie.