Fraude : des pertes moyennes de 10,6 millions par an et des menaces en hausse
À l’heure où les parcours d’achat se digitalisent massivement, la fraude en ligne s’intensifie. C’est le constat sans appel que dresse la dernière édition du Global Fraud Trends Report 2025, publiée par Ravelin. Cette étude internationale, réalisée auprès de 1466 professionnels de la fraude et des paiements dans dix pays, met en lumière l’évolution rapide des menaces, la diversification des techniques, et l’impact croissant sur la rentabilité des entreprises.
Tous les secteurs sont concernés, mais certains sont particulièrement sous pression : le retail, le voyage, les biens digitaux et les marketplaces voient les attaques se multiplier, souvent avec des méthodes sophistiquées et un impact direct sur la fidélité client, les marges et l’image de marque. Dans ce contexte, les e-commerçants doivent redoubler de vigilance et adapter leurs stratégies de lutte contre la fraude sans compromettre l’expérience utilisateur.
Un coût qui explose : 10,6 millions de dollars perdus en moyenne par entreprise
Premier chiffre marquant : les entreprises interrogées déclarent une perte moyenne de 10,6 millions de dollars par an liée à la fraude. Plus de 40% des répondants affirment même subir des pertes supérieures à 10 millions de dollars, un chiffre en hausse par rapport à l’année précédente. Parmi les secteurs les plus touchés, on retrouve le retail, les marketplaces, mais aussi les services de voyage et les produits digitaux.
Dans le détail, les marchés de produits numériques et les places de marché affichent des pertes particulièrement lourdes, allant jusqu’à 11 millions de dollars en moyenne. Ces chiffres témoignent de la sophistication croissante des attaques et de leur capacité à impacter les revenus, la réputation et les opérations.

Les conséquences multiples de la fraude
Les impacts ne se limitent pas aux pertes financières directes. En 2025, les principales conséquences citées sont :
- La perte de revenus ou de profits (39%),
- Le vol de données clients (PII) (39%),
- La chute de la satisfaction client et l’attrition (37%),
- L’augmentation des coûts opérationnels (35%, +8 pts vs 2024),
- Et les coûts de conformité ou amendes (33%).
Les marketplaces sont particulièrement vulnérables à la mauvaise presse liée à la fraude, avec 59% d’entre elles ayant vu leur nom apparaître dans les médias suite à des incidents. Les secteurs du voyage et du retail ne sont pas épargnés non plus, même si l’exposition médiatique y est légèrement moindre.
Une progression généralisée : 77% des marchands constatent une hausse
L’étude confirme une tendance préoccupante : 77% des entreprises interrogées déclarent une augmentation du volume de fraude par rapport à l’année précédente. Ce sont les marketplaces qui enregistrent la plus forte hausse, suivies par le secteur du voyage.
Au niveau géographique, les États-Unis, le Canada, l’Italie et le Brésil figurent parmi les pays où les hausses sont les plus marquées. À l’inverse, l’Espagne et le Mexique sont les seuls pays à enregistrer une baisse significative des incidents de fraude.

Une exposition variable selon les secteurs : retail, voyage et digital en première ligne
L’étude Ravelin 2025 permet aussi de distinguer l’impact de la fraude selon les secteurs d’activité, chacun exposé à des typologies d’attaques spécifiques et à des risques financiers différenciés.
Le retail reste l’un des secteurs les plus touchés par la fraude au paiement. Les commerçants y subissent une hausse continue des fraudes CNP (carte non présente) et des remboursements abusifs. Le friendly fraud est particulièrement répandu : un client prétend ne pas avoir reçu un article ou conteste un paiement, alors que la transaction est légitime. 41 % des retailers considèrent la fraude comme une menace croissante, et une majorité estime que plus de 5% de leurs remboursements sont douteux. Le secteur est également sensible à l’impact réputationnel, bien que moins exposé médiatiquement que les marketplaces.
Le secteur du voyage (compagnies aériennes, plateformes de réservation) est quant à lui confronté à un niveau élevé de fraude au paiement, mais aussi à des attaques de prise de contrôle de comptes (ATO). Les programmes de fidélité, les miles ou les réservations modifiables deviennent des cibles de choix pour des fraudeurs bien organisés. 62% des professionnels du travel anticipent une hausse de la fraude en 2025, ce qui en fait le secteur le plus inquiet, devant le retail.
Les biens digitaux (jeux vidéo, services d’abonnement, contenus numériques) présentent un profil à risque élevé. La rapidité des transactions, la faible traçabilité physique et la possibilité de revente rendent ce secteur très attractif pour les fraudeurs. Près de 40% des entreprises de ce secteur signalent des pertes annuelles supérieures à 10 millions de dollars, souvent liées à des achats frauduleux, du partage de comptes, ou des abus de promotion. La fraude y est plus difficile à détecter, car elle est souvent « silencieuse » et se manifeste après coup, via des contestations ou des comportements inhabituels.
Enfin, les marketplaces subissent une pression croissante sur plusieurs fronts : fausses identités, faux comptes vendeurs, listings frauduleux, mais aussi fraudes utilisateurs classiques comme les remboursements abusifs ou les paiements détournés. Ce sont également les entreprises les plus exposées médiatiquement, avec 59% d’entre elles ayant été mentionnées dans des articles ou plaintes publiques en lien avec la fraude. Pour ces plateformes, maintenir la confiance des deux côtés (acheteurs et vendeurs) devient une priorité stratégique.

Le retour en force des fraudes classiques
Malgré l’évolution des technologies, ce sont encore les formes classiques de fraude qui génèrent le plus de pertes :
- Fraude au paiement (cartes volées ou non présentes – CNP) : 61% des répondants la classent comme la plus coûteuse.
- Fraude au chargeback : 41%.
- Prise de contrôle de compte (ATO) : 30%.
- Abus de politique de retour ou de remboursement : 21 %.
- Abus des promotions : 19%.
Le retail et les marketplaces sont particulièrement touchés par le friendly fraud (remboursement abusif ou contestation non fondée), difficile à détecter mais pesant de plus en plus lourd dans les bilans.
L’IA, une menace… et un outil
La montée de l’intelligence artificielle dans les attaques est une nouvelle source d’inquiétude. 65 % des marchands estiment avoir été ciblés par des fraudes impliquant l’IA au cours des 12 derniers mois, et 7 sur 10 expriment une inquiétude croissante face à cette évolution.
Dans le même temps, 87% des répondants utilisent déjà l’IA pour lutter contre la fraude, que ce soit via l’analyse comportementale, les moteurs de règles, les modèles d’apprentissage automatique ou les réseaux de graphes. La 2FA et le machine learning restent les outils les plus plébiscités.
Une pression croissante autour du remboursement
Un autre point critique de l’étude concerne la gestion des retours et remboursements. 76% des e-commerçants se disent contraints de rembourser des clients, même en cas de soupçons de fraude. Ce chiffre révèle un dilemme stratégique : faut-il préserver l’expérience client à tout prix, quitte à tolérer certaines dérives, ou adopter une posture plus ferme au risque de frustrer certains consommateurs légitimes ?
Par ailleurs, 38% des entreprises estiment que plus de 5% de leurs remboursements sont abusifs, un chiffre qui grimpe dans le retail et les produits numériques.
Une menace qui pèse sur tous les départements
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle la lutte contre la fraude serait l’apanage de l’équipe risque, l’étude montre que tous les services sont désormais concernés :
- 61% des équipes marketing,
- 49% des directions financières,
- 46% des équipes conformité ou juridiques,
- 29% des C-levels s’inquiètent des impacts de la fraude sur leurs KPIs.
Les principaux indicateurs affectés sont le chiffre d’affaires (52%), l’image de marque (44%), et l’efficacité opérationnelle (38%).
Les principaux freins à une meilleure prévention
Alors que 67% des professionnels estiment que leur entreprise devrait faire davantage contre la fraude, certains freins subsistent :
- La peur de créer de la friction et de perdre des clients (38%),
- Le budget (31%),
- Les coûts d’image potentiels (30%),
- Le manque d’adhésion des autres équipes (26%),
- Et dans une moindre mesure, le manque de soutien de la direction (24%).
Quelles perspectives pour 2025 ?
L’étude révèle une pessimisme généralisé pour l’année à venir. 64% des entreprises prévoient une hausse des attaques, et 81% anticipent une augmentation de leurs dépenses de lutte contre la fraude (outils, ressources humaines, pertes, etc.).
En termes de typologies, les fraudes qui devraient croître le plus sont :
- Le paiement frauduleux (CNP) : 74%,
- L’abus de remboursement : 55%,
- Les attaques ATO : 52%,
- Les fraudes aux promotions : 44%.
conclusion
L’étude Ravelin 2025 dessine un paysage de plus en plus complexe, où la fraude prend des formes multiples selon les secteurs d’activité. Si le retail reste confronté au remboursement abusif et à la fraude CNP, les marketplaces doivent composer avec des risques bilatéraux entre acheteurs et vendeurs. Les acteurs du voyage et des biens digitaux voient quant à eux émerger des menaces spécifiques, plus difficiles à contenir sans outils adaptés.
Dans tous les cas, la priorité reste la même : trouver l’équilibre entre sécurité, fluidité du parcours client et rentabilité. La montée en puissance de l’IA dans les attaques comme dans les solutions impose de se professionnaliser rapidement. Pour les e-commerçants, cela signifie investir dans des outils performants, former leurs équipes et collaborer étroitement entre départements pour anticiper les risques et protéger leur croissance dans un environnement où la confiance devient une ressource rare.