Culture et e-commerce, la menace fantôme ?

E-Commerce Nation

19.07.2019


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Les français seraient-ils aussi fans de culture que de e-commerce ? C’est ce qui semble se dégager des dernières études de la FEVAD, qui place les produits culturels comme le deuxième pôle de dépense préféré des français en ligne (52%), bien calés entre les voyages (47%) et l’habillement (63%).

Un formidable bond en avant pour les pure players, mais un petit pas vers la tombe pour les petits commerces culturels physiques ? La rumeur populaire voudrait que le e-commerce serait effectivement en train de tuer le commerce de proximité, et que la culture serait son nouveau terrain de chasse préféré. Heureusement, il semblerait que tout ne soit pas aussi simple que le voudrait la rumeur…

Le E-commerce signe l’arrêt de mort des magasins culturels ?

C’est l’histoire d’un serpent qui ne cesse de se mordre la queue… il n’y a plus de petits magasins culturels dans les petites villes de province, les gens vont donc sur Internet, provoquant la mort des petits magasins, incitant les gens à aller sur Internet…. Et ainsi de suite. Plutôt que de se demander qui de la poule ou de l’oeuf, on a préféré étudier de plus près comment évolue le marché des produits culturels online en 2019.

Les gamers sont aussi les plus connectés

Les français sont friands des achats online de produits culturels, d’accord, mais de quels produits parle-t-on exactement ? Si l’on en croit une récente étude SEMrush, ce sont surtout les jeux vidéos qui bénéficie de ce boom de la culture sur Internet, concentrant plus de 77% des recherches mensuelles moyennes, bien loin devant les livres (10%) et la musique (10,6% en ajoutant CDs et disques vinyles).

produits culturels plus recherches jeux videos

Finalement, rien d’étonnant à ce que les gamers soient aussi les plus connectés, et par extensions les premiers à se ruer sur Internet pour y dénicher le dernier Call Of Duty… d’autant que le prix relativement élevé des jeux vidéos en magasin peut aussi expliquer cet attrait pour eBay et ses tarifs plus à la hauteur de toutes les bourses.

Tiens d’ailleurs, est-ce vraiment eBay qui attirent le plus les gamers? On s’est servi de l’outil Position Tracking de SEMrush pour comparer le rang des cinq principaux acteurs du marché culturel online. Entre les mastodontes du e-commerce, c’est la FNAC qui s’en sort pourtant le mieux en terme de ranking sur ces mots-clés, même si l’enseigne culturelle française se voit talonné par Cultura et Amazon, pure player par excellence. 

outil position tracking semrush

Les pure players ont toujours le vent en poupe

Amazon et Fnac, ce sont aussi les deux sites qui arrivent en tête du classement FEVAD en terme de nombre de clients online, comptabilisant respectivement 62% et 43% des acheteurs. Ils dominent ainsi un Top 10 qui s’équilibre harmonieusement entre pure players (Cdiscount) et magasins physiques (Cultura), des acteurs traditionnels qui se sont tournées certes plus tardivement vers le commerce online mais semblent avoir d’ores et déjà comblé leur retard.

classement fevad nombre clients online amazon fnac

En terme de trafic sur les sites internets de notre Top 5 des acteurs du secteur culturel, il semblerait pourtant que les magasins physiques ont encore un peu de pain sur la planche avant de pouvoir concurrencer sur leur terrain de jeu les pure players du secteur. Avec un trafic mensuel respectif de 2,7 et 17,3 millions de visites, la Fnac et Cultura ont encore pas mal de retard sur les 43,1 millions de Cdiscount et les 96,6 millions de l’intouchable Amazon.

A noter tout de même une data secondaire qui pourrait prendre tout son sens : si eBay semble être à la peine (avec 8,9 millions de visiteurs uniques par mois, il égale à peine le score de la Fnac), il affiche aussi un taux de rebond de 47,63%.

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Signe que l’internaute qui se rend sur un pure player le fait avec une intention d’achat bien plus évidente et ira jusqu’au bout de sa visite, là où les 3:36 minutes de visite moyenne et les 78,61% de bounce rate du mauvais élève Cultura montrent bien que les internautes visitant le site n’y ont pas forcément trouvé leur bonheur, et s’en sont en plus aperçu assez rapidement !

Un changement inéluctable des habitudes de consommation

Fin 1999, les achats de disque sur Internet représentait… 1% seulement des achats de disque totaux en France! Fin 1999, Internet n’était pas encore une menace, et c’était la FNAC le grand méchant loup, celui qui vidait les petits commerces de ses clients. Aujourd’hui, ce sont 57% des français qui achètent leurs produits culturels sur Internet si l’on en croit l’étude de Ma-Reduc.com.

Si le chiffre peut faire froid dans le dos du petit disquaire de quartier, il peut surtout aisément s’expliquer par la différence de prix (qui peut aller jusqu’à… 100%, avec des produits culturels dématérialisés tout bonnement “gratuits” et des réductions généralisées plus importantes), d’autant que l’internaute a la possibilité de comparer en un clin d’oeil plusieurs sources pour aller au moins cher. Mais il faut tempérer cet argument quand on touche au domaine du livre, où la loi sur le prix unique du livre empêche théoriquement de telles différences…

L’aspect pratique de la commande sur Internet, avec ces stocks qui semblent inépuisables et la possibilité de vérifier immédiatement la disponibilité des produits, remporte aussi la palme des raisons pour lesquelles les français consomment de plus en plus de produits culturels online.

Mais tout ça ne remplacera sans doute jamais le conseil avisé d’un libraire passionné, celui-là même qui permettra à l’indécis de faire un choix quand il s’agit d’acheter un cadeau de Noël pour tatie. Et voilà sans doute une des planches de sauvetage des petits commerces, qui ne sont finalement pas si démunis que ça face aux géants du e-commerce.

Les petits commerces culturels version 2.0

Tout n’est donc pas fini pour les petits (et moyens) magasins culturels, qui en ont encore sous la pédale pour lutter contre l’hégémonie du e-commerce. Car le concept du Web-To-Store n’est pas l’apanage des gros, et que si les petits commerces ont encore quelques missions à accomplir, celles-ci n’ont rien d’impossibles.

Mission 1 :  se recentrer sur un public de niche et optimiser son SEO Local

Si les français vont de plus en plus faire leurs achats online, ils sont encore 46% à se rendre encore en magasins spécialisés : un public de niche sur lequel il est sans doute temps pour les petits commerces de se recentrer. Pour capter ce public encore disponible et les faire venir dans son magasin, le SEO local est une opportunité à saisir, comme nous le rappelait récemment Arthur d’Hausen sur le blog de SEMrush.

Référencer sa boutique sur Google My Business devient ainsi une étape indispensable pour tous les petits commerces. Et en plus, c’est facile, infographie à l’appui !

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Mission 2 : remettre l’humain au centre du débat et multiplier les opérations spéciales

Une étude Microsoft menée en 2015 confirmait ce que l’on pensait déjà : pour 85% des français, le conseil client est un avantage indéniable du magasin physique. Remettre l’humain au centre du débat et insister sur ce point devient une des missions prioritaires des petits commerces culturels.

Il s’agit donc pour les magasins physiques de jouer justement à fond la carte du physique, et de multiplier les rencontres entre le public et les artistes en concert acoustique ou les auteurs en dédicace. Une petite capture d’écran du site de la librairie La Machine à Lire de Bordeaux nous montre l’importance de ces événements dans la vie de la boutique.

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Olivier Pène, libraire de la Machine à Lire, confirme d’ailleurs l’impression générale qui se dégage de leur site :

pour nous, c’est surtout un miroir de la librairie plus qu’un site marchand, même si on y vend à des clients plus lointains quelques bouquins rares ou épuisés que l’on va avoir en stock par miracle. On organise deux dédicaces par semaine en plus de nos rencontres régulières, le site nous sert surtout de relai d’information, et on essaie d’être aussi présents sur Facebook et Instagram pour toucher notre public. Je crois que l’idée, c’est surtout de développer le concept du Web To Store, et de montrer que l’on vit avec notre temps !”

Mission 3 : faire preuve de créativité

Recentrer sur l’humain et multiplier les actions marquantes s’avère d’autant plus intéressant que ces actions sont loin d’être incompatible avec une vision moderne du commerce.

Le libraire 2.0 n’est plus seulement un rat de bibliothèque incollable sur le polar suédois, c’est aussi un content marketeur en puissance (même s’il l’ignore souvent) qui va rédiger des mini-articles sur ses coups de coeur du mois et les publier sur le blog de la librairie (comme ici celui de la Librairie Générale d’Arcachon) pour aller toucher son public, bien mieux que ne le feront toutes les 4ème de couv’ que l’on trouve en interminables copié-collés sur les sites des pure players.

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Mission 4 : embrasser l’e-commerce à pleins poumons !

En réalité, il s’agit moins aujourd’hui pour les commerces physiques de chercher à lutter contre l’avancée inéluctable du e-commerce que de s’adapter à celui-ci.

Là où il n’y consacrait qu’une infime partie de son temps il y a quelques années, Martial de la boutique de disque Total Heaven avoue passer aujourd’hui plus de temps qu’il ne voudrait sur les commandes internet.

“C’est surtout les réseaux sociaux qui nous prennent beaucoup de temps, les questions des clients, les recherches que l’on fait, leur mettre les disques de côté… avant, on avait 1 à 2 commandes par mois, maintenant ça peut monter à 10/20 par semaines. Ca reste peu rentable vu le temps qu’on y passe, 10% du CA hebdomadaire du magasin”.

site ecommerce total heaven

Car voilà bien le problème, le e-commerce peut s’avérer vite phagocytant, surtout pour les (toutes) petites structures. Un problème que n’a certainement pas le gros indépendant Mollat : la légendaire librairie bordelaise (120 ans d’existence) a elle sans conteste pris le virage du XXIe siècle, avec un site internet visiblement optimisé pour le SEO et la vente online, si l’on en croit les chiffres SEMrush du trafic obtenues par les pages webs des principales librairies de la ville.

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Bien sûr, on est là encore bien loin des audiences des gros sites e-commerce, mais voilà des chiffres assez instructifs, sans doute à rapprocher d’ailleurs des 25 millions de CA annuel annoncé par Mollat en 2018.

Les petits commerces n’auraient donc pas tant souffert du développement du e-commerce sur le secteur culturel? A l’instar de ses collègues, Olivier Pène n’a pas l’air plus inquiet que ça :

“Je crois qu’Amazon a surtout pris des parts de marché à France Loisir, qui était très fort sur les campagnes et a quasiment disparu aujourd’hui. On a conservé notre propre clientèle, des gens qui ont besoin de notre savoir-faire et de nos conseils sur des choses pointues, des gens qui se servent plus d’Amazon comme un moteur de recherche avant de venir le commander en librairie.. Et puis, le gros avantage de l’arrivée d’Amazon, c’est quand même qu’on est désormais livré bien plus rapidement qu’avant!”

Voilà qui semble bien prouver qu’en embrassant les codes du e-commerce tout en renforçant les caractéristiques essentielles de son magasin physique et en optimisant sa présence sur Internet, le petit commerce culturel a lui encore de beaux jours devant lui… En fait de menace fantôme, c’est plutôt une complémentarité intéressante qui semble se dégager de la coexistence des pure players et des petits commerces culturels. Tiens, par exemple, vous, vous seriez plutôt Amazon, Machine à Lire… ou les deux ?

Crédit image : James Olstein

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